Thèse - Caractérisation rhéologique et structurale de boues issues de procédés de traitement et influence des ultrasons sur leurs propriétés d’écoulement

Description :
Contexte et exposé du sujet :

Les différentes activités de l’industrie du nucléaire ont conduit à la production d’un certain nombre de déchets, dont des boues. Deux catégories de boues peuvent être principalement établies : des boues dites de coprécipitation, issues du traitement des effluents aqueux en Station de Traitement des Effluents Liquides (boues STEMA, STE2 etc…[1]), et des boues issues de la corrosion de différents objets ayant été entreposés dans des piscines d’entreposage (INB56 par exemple). Quelle que soit leur provenance, ces boues doivent être manipulées, convoyées, en amont de leur immobilisation en matrice de conditionnement.

Ces opérations de manipulation et de convoyage nécessitent des technologies adaptées et dimensionnées par la consistance et le comportement rhéologique des boues. Or, il est particulièrement délicat d’évaluer a priori cette consistance et ce comportement rhéologique. En effet, ces boues peuvent être considérées comme des fluides complexes, étant donné la grande diversité des espèces qui les composent, leur hétérogénéité, leur état de floculation ou encore de sédimentation (strates formées au cours du temps). Par exemple, la gamme d’extrait sec peut s’étendre sur une large plage, de 100 à 800 g.L-1 selon la provenance et l’historique. Dans la plupart des cas, un ajustement de leur teneur en eau est nécessaire pour fluidifier les boues et les rendre pompables. Au-delà de la complexité de cette étape de redispersion des boues dans un solvant, cet ajustement de la teneur en eau peut conduire à une augmentation du volume de déchet à conditionner qu’il convient de maitriser (effet de gonflement et non de dilution).

Du point de vue physico-chimique, les boues peuvent être décrites comme des suspensions (colloïdales ou non) de particules solides dispersées dans un fluide (aqueux majoritairement). Bien entendu, la nature chimique des particules, la fraction volumique solide, la granulométrie et la composition de la phase suspendante (pH, force ionique, nature et concentration des ions) sont autant de paramètres qu’il faut prendre en compte pour décrire le comportement rhéologique des boues puisque cela conditionne leur microstructure. En effet, l’état d’agglomération de ces matériaux complexes est souvent d’origine physico-chimique, lié à l’écrantage des charges des particules solides par les sels dissouts. On peut également retrouver des effets de floculation liés aux interactions hydrophobes ou encore aux phénomènes de déplétion. Cette microstructure a un impact très fort sur les propriétés d’écoulement et donc sur le procédé qu’il faut mettre en œuvre pour les reprendre et les convoyer.

D’autre part, selon la composition de la boue et le comportement rhéologique associé (consistance, présence d’un seuil d’écoulement, comportement thixotrope…), l’action mécanique des ultrasons peut s’avérer utile comme aide à la fluidification pour des boues d’extraits secs modérés ou à la remise en suspension combinée à un apport d’eau contrôlé. Les ultrasons sont couramment utilisés dans diverses applications industrielles (outils de nettoyage, de décontamination de surface, de découpe, de caractérisation non destructive etc...). Si les ultrasons de diagnostic, dont la fréquence est comprise entre 1 MHz et 10 MHz sont principalement utilisés pour l’imagerie et la détection, les ultrasons de puissance (de 10 KHz à 1 MHz) entraînent des modifications physiques et chimiques dans les matériaux qu’ils traversent. De récents travaux [2] ont mis en évidence la possibilité d’agir en temps réel sur la microstructure de gels colloïdaux à l’aide d’ultrasons. Les auteurs ont montré que certains ultrasons de puissance ont pour effet d’engendrer une fluidification spectaculaire du gel, du fait de la rupture du réseau élastique à l’échelle micronique, ce dernier pouvant se reconstruire spontanément à l’arrêt de la sollicitation.

Nous proposons dans ce sujet de thèse de synthétiser et de caractériser finement la microstructure de boues reconstituées et de boues simplifiées en fonction de la nature physico-chimique des éléments incorporés. L’impact de cette microstructure et des paramètres de formulation (teneur en eau, force ionique etc…) sur le comportement rhéologique sera examiné en détail. Parallèlement à ce travail de synthèse et de caractérisation, l’influence des ultrasons sur la fluidification de boues ainsi reconstituées sera évaluée au travers d’un dispositif de rhéo-acoustique [2]. De plus, dans le cas des boues les plus sèches, il s’agira d’étudier l’influence de la fréquence et de la puissance ultrasonore combinée à un apport contrôlé en eau afin de remettre en suspension ces boues pour en faciliter leur reprise et transfert.

Les étapes du projet :

1) Synthèse et caractérisation de boues simulées et de boues modèles

Le projet de thèse commencera par la synthèse des boues reconstituées et simplifiées en se focalisant principalement sur deux types de boues ; les boues dites de « coprécipitation » et les boues dites de « corrosion ». Pour ces deux types de boues, il s’agira de :


-  Caractériser la physico-chimie de la suspension en se focalisant d’une part sur la solution suspendante en fonction de la nature des éléments solubles (Nitrates, chlorures, sulfates…) et d’autre part sur la fraction solide (nature, charge de surface, granulométrie etc)

-  Caractériser par diffusion des rayonnements (X, neutron ou lumière) la structure interne des boues ainsi synthétisées

-  Etudier l’influence de la force ionique, du pH et de la fraction volumique d’insolubles (donc de la teneur en eau) sur la stabilité temporelle (sédimentation) et les propriétés rhéologiques de ces boues

L’objectif de cette première phase est de déterminer les paramètres physicochimiques et de formulation prépondérants qui pilotent le comportement rhéologique. Est-ce que tous les éléments constitutifs d’une boue industrielle participent significativement aux paramètres d’écoulement ou est-ce que la force ionique, la nature et la fraction volumique du solide majoritaire, donc la teneur en eau, suffisent pour décrire le comportement du matériau sous écoulement ?

2) Influence des ultrasons sur la remise en suspension et la fluidification des boues

La fluidification des boues reconstituées et simplifiées sera examinée au moyen du dispositif de rhéo-acoustique disponible à l’ENS de Lyon afin d’estimer le gain sur les paramètres viscoélastiques (seuil, élasticité) lié à l’application des ultrasons de puissance modérée (quelques W/cm²).
Enfin il s’agira de développer un dispositif expérimental afin de pouvoir remettre en suspension des boues à faible teneur en eau (simulant des résidus de fond de cuve). Le couplage entre ultrasons et apport d’eau modéré sera surement nécessaire pour mettre en écoulement ces boues fortement chargées. Le couple fréquence/puissance ultrasonore optimum sera à déterminer pour assurer un fort pouvoir de remise en suspension et de re-dispersion afin de contrecarrer les interactions attractives et ainsi améliorer l’écoulement de ces résidus ultimes. Dans certains cas la pseudo-fonctionnalisation sous gonflement pourra être exploitée en jouant alors sur les effets chaotropiques des ions.
La simulation des écoulements dans des géométries complexes avec et sans ultrason sera en support de ce travail de thèse expérimental.

Quelques références bibliographiques :

[1] Documents internes CEA : Projet ASE/INB56/Projet STEMA/Boues STE2
[2] Gibaud et al., Physical Review X, 10, 011028, (2020)

Encadrement et collaboration :
J.B. Champenois, R. Pflieger, O. Diat (CEA Marcoule)
S. Manneville (ENS Lyon)
R. Valette (CEMEF-Mines ParisTech-PSL)

Reference :

Date de démarrage : 01 octobre 2021

Durée : 3 ans

Contacter :
CEA Marcoule
Arnaud Poulesquen
BP 17171 30207 Bagnols sur Cèze France
email : arnaud.poulesquen@cea.fr
Téléphone : 0466791801